L’interview de Philippe Douste-Blazy

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L’interview de Philippe Douste-Blazy

Transcription du podcast

 

Valérie Sauvage

Alors je tenais tout d’abord à vous remercier de m’accorder ce temps précieux parce que je sais que votre agenda est bien chargé.

Philippe Douste-Blazy
Je vous en prie.

Valérie Sauvage
J’ai tenu à vous faire ce cadeau d’inviter Monsieur Douste-Blazy parce que son parcours m’inspire beaucoup. Pour de multiples raisons. Non seulement le nombre de missions, de postes, de fonctions, la curiosité, la créativité dont vous avez su faire preuve aussi dans ce que vous avez pu créer, initier, mettre en avant et puis quelque chose qui fait de plus en plus rare alors ça n’engage peut être que moi, mais toute l’humanité que vous avez réussi à apporter à chacune de vos fonctions et ça c’est plus rare.

Et je trouve que c’est très inspirant c’est-à-dire que pour quelqu’un qui peut être jeune, qui a envie de construire sa carrière, qui pense à la politique, qui pense à créer son entreprise, qui pense aussi à être salarié dans une entreprise qui le la fait rêver, et bien c’est important de savoir qu’on peut apporter de soi, qu’on peut y mettre sa touche personnelle. Et j’aurais aimé avoir un petit peu ce côté coulisses, cette vie que vous avez mené, très riche. Si vous la résumer à quelqu’un qui vous rencontre pour la première fois, qui ne vous connaît pas un étranger peut être, que pourriez vous en dire ?

Philippe Douste-Blazy
D’abord, je suis médecin et ça veut dire quelqu’un qui est tourné vers les autres et vers leur souffrance. Et donc je pense que j’ai un trait d’union dans ma vie, entre le début et aujourd’hui : C’est peut être d’écouter ceux qui souffrent le plus, ceux qui sont le plus seuls.

Essayer de les écouter d’abord, essayer d’expliquer un peu mieux, de comprendre un peu mieux leur souffrance et essayer aussi d’apporter des diagnostics et des traitements. Et au fond, quand on regarde la médecine d’un côté et la politique de l’autre, il y a ce trait d’union là. Même si en politique, il n’y a pas que des très belles choses. Mais il y a aussi la politique avec un grand P. C’est aider les autres.

Valérie Sauvage
C’est vrai que c’est aider les autres. Alors vous l’avez fait dans plusieurs fonctions. Est ce que vous avez eu une période dans laquelle vous vous êtes senti, j’aurais envie d’être plus utile, mais avec plus de sens. Quelque chose qui s’aligne plus par rapport à la personne que vous êtes ?

Philippe Douste-Blazy
Alors de ma vie politique, je pense que j’ai eu deux moments extrêmement importants. La première, c’est la fonction de maire. Parce que être maire, surtout dans une ville, à l’époque, j’étais maire de Lourdes, qui est une ville de 17 000 / 16 1000 habitants. Et cette ville, elle est suffisamment grande pour faire des choses intéressantes. En plus, est très connue dans le monde.

Mais aussi c’est une ville suffisamment petite pour connaître tout le monde et donc là, il y a de l’humain. Les gens vont voir le maire, ça va de problème de médecine pratiquement à un problème de permis de construire, un problème de trottoirs, aussi dans des super projets industriels. Donc vous avez l’impression d’être en prise directe avec les habitants.

Quand j’étais maire de Toulouse, un de mes plus grands projets et qui existe toujours aujourd’hui, c’est d’avoir créé, après l’explosion AZF à ce qui a été la plus grande catastrophe industrielle après la Deuxième guerre mondiale en France, c’est d’avoir créé le plus grand centre de lutte contre le cancer en France avec évidemment Gustave-Roussy à Paris, mais pratiquement aussi important, sinon plus dans les années qui viennent.

Ça, pour moi, c’est extrêmement important parce que c’est très concret. C’est proche des gens. La deuxième période aussi, où je me suis senti très utile. C’est comme ministre de la Santé, des Affaires sociales où là, j’ai pu mettre un peu à profit j’ai envie de dire cette expérience de médecin du terrain à la tête du ministère de la Santé et des Affaires sociales.

Le président Chirac me faisait totalement confiance et donc j’étais à la tête d’un budget qui était supérieur à celui de l’Etat. C’est le budget de la Sécurité sociale et j’ai trouvé ça évidemment extrêmement important. Après, vous savez, il faut beaucoup d’humilité parce que quand on fait de la politique, quand on fait des choses, on croit toujours que l’on est seul, on est formidable… En fait, c’est les gens qui vous disent que vous êtes formidables parce qu’ils ont souvent besoin de vous. Mais en fait, il faut rester très froid et vous apercevez d’ailleurs, après avoir été ministre, que la vie recommence normalement et c’est uniquement l’humilité qui peut vous sauver et donc, même quand ça marche très très très fort, il faut rester la tête très froide et quand ça ne marche pas du tout, il faut penser que ça va finir par marcher.

Valérie Sauvage
Alors ça, c’était un beau message parce qu’effectivement je pense que ce conseil est valable aussi pour les entrepreneurs. Pour ceux qui ont des rêves incroyables et c’est important d’en avoir parce que c’est comme ça qu’on fait bouger les choses. Quand on voit notamment la partie humanitaire qui fait partie d’une des facettes de votre vie. Il faut y croire, vous y avez mis votre coeur, vous avez fait ce qu’il fallait avec des liens aussi, des partenariats, des collaborations… Et et quand ça marche, c’est formidable. Et vous devez avoir l’impression que des ailes vous poussent dans le dos. Que les amis fleurissent à tous les coins de rue. Et puis quand ça marche moins bien, là, il y a une réalité encore plus implacable entre ceux qui n’étaient pas des amis et ceux qui ne se mouillent pas.

Il y a aussi des fois des désillusions. Comment vous avez vécu ça ?

Philippe Douste-Blazy
C’est vrai que, au moment où on parlait beaucoup de moi pour être premier ministre, je pense que je ne sais pas. Le téléphone devait sonner toutes les 20 secondes à peu près. Je ne pouvais pas, évidemment. Je n’aurais pas pu vivre normalement. Et puis, lorsque j’ai arrêté parce que je n’étais pas repris dans le gouvernement, j’ai été ministre à peu près huit ou neuf ans.

Mais quand j’ai pu été repris, ce n’est pas qu’il sonnait moins, il ne sonnait plus du tout. Et ça, c’est extrêmement dur à vivre. C’est une sorte de solitude, même d’une perte de repères pratiquement, parce que vous avez tellement mis d’espoir en vous et en ceux que vous faites. Vous y croyez tellement qu’au fond vous vous apercevez que c’est plus la fonction que l’homme que les autres voyaient.

Et donc il faut être quand même prêt aussi ce genre de choses. Et moi, ce que je voudrais dire à ceux qui nous écoutent, à ceux qui vont avoir une belle carrière devant eux, c’est que la différence qu’il y a entre l’esprit que nous avons trop souvent en France et l’esprit qui existe par exemple outre-Atlantique aux Etats-Unis, c’est que lorsque aux États-Unis, où j’ai vécu aux Nations unies pendant longtemps à New York, quelqu’un vous dit alors est ce que vous avez eu des échecs ?

Et si vous dites Oui, j’ai eu des échecs, vous êtes quelqu’un au contraire d’extrêmement intéressant pour lui, parce qu’il estime que parce que vous avez eu des échecs, vous avez compris. Là où vous vous êtes trompé. Il estime que vous avez compris là où vous vous êtes trompé et que donc vous ne ferez pas ces erreurs. Alors qu’en France, lorsque vous dites j’ai fait faillite, j’ai pas réussi, j’ai été battu à telle élection.

On a l’impression au contraire que vous êtes un looser. Et ça c’est extrêmement important. Il ne faut pas croire ça. Je pense que c’est au contraire parce qu’on a échoué une fois, deux fois, trois fois qu’on devient plus fort. Et moi j’avoue que j’ai été extrêmement impatient dans ma vie, beaucoup trop impatient d’ailleurs, si je n’avais pas été aussi impatient, peut être que j’aurais fait mieux et que je serais peut être allé au bout de mes rêves.

Et parce que je voulais aller très très vite. Je ne voulais pas non plus prendre trop de risques. Eh bien, parce que j’avais peur de l’échec, je crois que c’est une erreur. L’échec fait partie de la vie. C’est comme ça. Vous n’êtes pas un looser parce que vous avez un échec. Vous avez un échec parce que vous avez essayé. Ça n’a pas marché. Il faut commencer autre chose.

Moi, je vois avec la jeune génération aujourd’hui des startups extrêmement intéressantes. Les startups, ce sont des structures extrêmement flexibles, avec pas beaucoup d’argent et donc ça passe pas là, hop ça va peut-être passer là. Et justement, cette flexibilité est extrêmement importante parce qu’elle permet, quand ça ne fonctionne pas, d’essayer autre chose.

Valérie Sauvage
Un petit peu comme le font les enfants. Si on se rapproche de ça on a cette essence là en nous. C’est-à-dire qu’on essaye, on demande, on y arrive, on en redemande ou on va essayer par soi même et c’est quelque chose qu’on perd je pense aussi avec cette peur du regard de l’autre, du jugement. Vous avez été vous dans votre carrière tout le long, avec des caméras partout, avec des personnes qui sans doute ne guéttaient qu’un faux pas.

Philippe Douste-Blazy
Ça, c’est vrai.

Valérie Sauvage
Et je pense que justement, ce parcours par les États-Unis, c’est dommage de faire référence aux États-Unis, parce que c’est pas une philosophie qui est propriété privée des amériques. Et c’est est important de se dire qu’en France on arrive enfin à amener un peu cette culture justement de l’apprentissage derrière un échec et du fait de se dire on apprend tellement plus dans quelque chose qui n’a pas fonctionné que dans quelque chose qui est fluide et qui se fait sans accroc.

Alors, ces jeunes débutent aujourd’hui, Alors on les imagine 18 20 ans, 25 ans pour certains. Comment, si vous étiez à leur place, vous construiriez votre vie ?

Philippe Douste-Blazy
D’abord, je crois que ici, il n’y a rien de mieux que les jeunes qui sont ouverts aux autres, c’est à dire qu’il ne faut pas avoir peur des autres. Il faut au contraire se potentialiser les uns les autres. Alors évidemment, souvent, vous tombez de l’arbre lorsque vous faites ça, parce que vous donnez et parfois vous tombez sur des gens qui ne sont pas, qui ne sont pas au niveau de votre générosité.

Et plus vous êtes généreux, plus vous recevez. Et je pense qu’il ne faut pas jouer petit. Il faut jouer grand. Il faut avoir de grandes ambitions parce que l’orgueil est une chose, l’ambition en est une autre. L’ambition n’est pas un défaut. L’orgueil en est un, la fierté à trop haut niveau, c’est peut être un défaut, bien que la fierté est une bonne chose mais poussée très haut, ça peut être de l’orgueil.

Valérie Sauvage
On va dire que l’ego est le danger.

Philippe Douste-Blazzy
Voilà, alors c’est très difficile parce que bien évidemment, plus vous montez et en tout cas, moi, ça m’est arrivé, plus vous montez, plus, même si vous n’avez pas d’ego naturellement, comme moi, vous finissez par en eavoir un. Et vous finissez par ne plus savoir exactement parce que vous avez des positions très fortes de la société, vous finissez quand même par vous habituer à une certaine vie, une facilité, à un certain élitisme, et c’est là où il faut justement arrêter. C’est ce qui est bien d’ailleurs dans la démocratie, c’est que le système vous permet pas de rester à vie en haut. Mais je pense que quand on est entrepreneur, il faut avoir peur de rien, prendre des risques, écouter les autres et savoir s’entourer. Je pense que s’entourer c’est peut être la chose la plus importante.

Croire qu’on a raison tout seul est une erreur monstrueuse. S’entourer, respecter les gens avec qui on travaille, les garder longtemps. Moi, vous savez, je me méfie toujours des gens qui viennent me voir en disant voilà, je veux tel poste de directeur. Et puis je regarde le cv, et il me dit mais regardez Monsieur, je suis passé là la la la la et là… Là c’est trop. Ça veut dire qu’ils ne sont restés que deux ans quelque part. Quelqu’un qui ne reste que deux ans quelque part. Moi, je m’en méfie parce que je pense que quelqu’un qui est resté dix ans avec quelqu’un, ça veut dire qu’il est capable de travailler dans la durée avec quelqu’un et travailler dans la durée avec quelqu’un. C’est un signe qui ne trompe pas.

 

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